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Activités

  • Stress et attachement, une conférence de Blaise Pierrehumbert, le 15 novembre 2022
     

Ce 15 novembre, le professeur Blaise Pierrehumbert, l’un des plus grands spécialistes mondiaux de la théorie de l’attachement, était l’invité de l’Observatoire de la Résilience Boris Cyrulnik à Sambreville. Il a offert aux quelque 70 personnes présentes un exposé très enrichissant sur les rapports entre le stress et l’attachement, couple paradoxal et pourtant indissociable.

La qualité de l’attachement développé pendant l’enfance peut-il contrecarrer les effets, les traces laissées par les traumatismes rencontrés dans la vie ? A travers des études menées auprès de victimes de divers traumatismes pendant l’enfance (abus sexuels, grande prématurité, leucémie,…), le psychologue nous a démontré toute l’importance d’un attachement de qualité, ou « sécure », pour le bon développement et la santé mentale d’une personne. En effet, un individu ayant développé des liens « sécures » a davantage de confiance en soi et en autrui, se considérera digne d’attention et d’intérêt, pourra compter sur les autres et les voir comme des ressources et non des dangers.

Pour les expérimentations, la qualité de l’attachement chez les sujets étudiés a été évaluée par des questionnaires et entretiens. 3 « groupes » étaient analysés : des personnes « sécures » sans traumatismes identifiés, des personnes traumatisées ayant néanmoins bénéficié d’un attachement de qualité dans l’enfance et des personnes « insécures » traumatisées. Celles-ci ont été placées (avec leur consentement) en situation de stress. Chez une personne « sécure », traumatisée au non, le taux de cortisol (hormone du stress) dans le corps forme alors un pic. On constate au contraire un aplatissement de cette courbe chez les personnes « insécures » victimes de stress post-traumatique : il y a une sorte de désensibilisation, d’épuisement de la réaction au stress. Comme chez les animaux qui se figent en situation de stress, on observe un « gel », une « sidération » chez ces sujets.

En écoutant les personnes raconter leur histoire, on peut déduire différents profils d’attachement :

  • Sécure, autonome : la personne a librement accès à ses émotions et souvenirs, elle fait preuve de confiance en soi et aux autres
  • Evitant, détaché : la personne contourne les questions, a peu de souvenirs, minimise les émotions vécues, elle se méfie des autres
  • Anxieux, préoccupé : la personne est en hyper-vigilance émotionnelle, elle exagère les émotions vécues, elle manque de confiance en soi
  • Non-résolu, désorganisé : le discours devient soudainement incohérent, les souvenirs se délitent, la personne perd le contrôle du cours de sa pensée

Une seconde hormone a été étudiée : l’ocytocine, surnommée l’hormone de l’amour ou du bonheur. Elle est en effet sécrétée dans l’intimité, lors des contacts physiques, de l’allaitement ou de l’accouchement (les femmes ont donc davantage d’occasions de la sécréter que les hommes) ou des rapports sexuels et provoque bien-être et relaxation. Fonctionnant à double sens, elle favorise aussi les rapprochements. Contre toute attente, elle est sécrétée en grande quantité chez les personnes « sécure » en situation de stress, tandis que les autres n’en sécrètent que très peu. Pierrehumbert émet l’hypothèse que notre corps cherche à se rassurer en « mimant » la sécurité offerte par les rapprochements et les liens sociaux. On se comporte « comme si on était épaulé par les autres ». Cela rappelle la théorie du « tend and befriend », de Shelley E.TAYLOR : dans le monde animal, en situation d’adversité, les femelles privilégient le fait de prendre soin des uns et de resserrer les liens, là où les mâles réagissent par l’attaque, la fuite ou la sidération.

En conclusion, avoir pu conserver une confiance en soi et aux autres, acquise pendant l’enfance à travers des liens d’attachement « sécures », permet d’affronter les adversités de la vie sans grands dégâts psychologiques. Il s’agit donc bien d’un facteur de protection important favorisant la résilience.

L’exposé du professeur Pierrehumbert était agréablement ponctué d’illustrations très parlantes de troubles de l’attachement probablement vécus par grandes figures de la peinture, au regard de leurs œuvres (Munch, Khalo, Van Gogh).

  • La Semaine de la Résilience, du 7 au 9 juin 2022

Du 7 au 9 juin 2022, s’est tenue à Sambreville la Semaine de la Résilience, organisée par l’Observatoire de la Résilience Boris Cyrulnik, en collaboration avec la Commune de Sambreville. Elle rassemblait de nombreux acteurs du secteur social, de la santé et de l’éducation, dans la région de la Basse-Sambre : l’ASBL Saphemo (accompagnement de personnes handicapées en milieu ouvert), l’En Train (cellule de réinsertion sociale de citoyens en totale désaffiliation), l’AMO Basse Sambre (organisation d'aide en milieu ouvert), l’école des devoirs Les Zolos de Fosses-la-Ville, la Bibliothèque de Sambreville, l’ASBL Succès (accompagnement de victimes de violence en reconstruction), le GABS (groupe d'animation de la Basse-Sambre), le CRAC’S (Centre culturel de Sambreville) et le Centre Hospitalier Régional Sambre et Meuse (CHRSM).

L’objectif de l’événement : permettre une meilleure compréhension de la résilience par le grand public au travers la découverte et l’expérimentation d’activités favorisant ce processus. Les animations proposées allaient de conférences aux ateliers participatifs, en passant par des expositions, débats, projections de film. Cette diversité a permis un tour d’horizon très large des situations où peut se manifester la capacité de résilience : chez les personnes victimes de violences ; chez le personnel soignant des hôpitaux suite à la crise du COVID ; dans un parcours de migration et d’intégration ou quand on doit mettre en œuvre l’accueil de personnes étrangères sur notre territoire ; lorsqu’on se trouve dans une situation de précarité ou que l’on doit vivre avec un handicap, … Elle a également mis en exergue plusieurs leviers et outils qui peuvent aider à rebondir suite aux difficultés rencontrées dans la vie :

  • le partage d’expériences via des témoignages et le soutien par des personnes qui ont connu une situation similaire ;
  • le fait de mettre des mots sur son vécu (comme l’a illustré l’atelier de bibliothérapie);
  • les activités artistiques et créatives (le public de la Semaine de la Résilience a pu s’essayer à la peinture, au théâtre, à la cuisine et au bricolage à base de matériaux de récupération), car elles renforcent le lien social, l’expression des émotions et l’estime de soi.

Par-dessus tout, l’événement a mis en lumière l’universalité de la thématique de la résilience : quelles que soient les forces et faiblesses de chacun au départ, on peut tous avoir besoin de se montrer résilient à certains moments de notre parcours ou dans un domaine particulier.
 

  • A l’école du cerveau, conférence de Grégoire Borst, le 29 mars 2022

Comment fonctionne notre cerveau et comment mieux s’en servir pour apprendre ?

Résumé de la conférence

Après avoir démonté quelques mythes très répandus autour de nos représentations du cerveau et de son fonctionnement (être plus « hémisphère droit ou gauche », être plus « visuel » ou « auditif », « la musique classique rend intelligent », à partir d’un certain stade, certaines matières deviennent impossibles à apprendre…), Borst met en évidence les 2 périodes où notre cerveau est le plus sensible à son environnement et connait son développement le plus important : de 0 à 3 ans, où les interactions avec le monde qui nous entoure sont essentielles au développement, et l’adolescence, où le cerveau se reconfigure entièrement (notamment le siège de la maîtrise des émotions).

Le chercheur s’est ensuite appliqué à donner au public des pistes de réflexion pour repenser notre système éducatif en s’appuyant sur les dernières recherches en neuro-éducation. Il a notamment montré l’obsolescence du modèle des stades de développement de l’enfant de Piaget, qui est pourtant encore à la base de notre système. Certaines recherches ont par exemple démontré que des bébés de 4 mois étaient déjà largement capables d’abstraction. En matière de développement du cerveau, l’hétérogénéité est en réalité la norme, d’où l’importance d’une pédagogie différenciée, voire individualisée, c’est-à-dire qui s’adapte aux rythmes et besoins de chacun.

Notre système éducatif se situe malheureusement parmi les plus inégalitaires d’Europe. Or, dès la maternelle, tous les enfants ne partent pas avec le même bagage. En fonction de leur milieu socio-économique, les compétences langagières par exemple, hautement prédictives de la réussite scolaire, personnelle et professionnelle future, diffèrent déjà très fortement. L’un des grands enjeux serait donc de pouvoir réduire déjà ces inégalités avant l’âge de 3 ans, notamment par une éducation à la parentalité. Car contrairement à ce que l’on croit parfois, on ne « naît » pas parent : cela s’apprend. Nous avons souvent tendance à sous-estimer les capacités des tout-petits : il ne faut pas hésiter à leur parler de concepts complexes et à ne pas simplifier le vocabulaire utilisé. La clé de leur mémorisation dépendra en effet la fréquence à laquelle ils auront été exposés à ces nouvelles idées.

L’inégalité émerge également lorsque l’on compare la fréquence des renforcements positifs reçus par les enfants lors de leurs apprentissages. Les enfants de milieux plus précarisés reçoivent davantage de signaux de découragement que d’encouragements. Ces derniers sont pourtant une condition indispensable à un bon apprentissage et ce, jusqu’à l’âge adulte.

Autre conseil-clé pour réduire les inégalités en classe : expliciter les implicites. Les enfants qui s’en sortent le mieux en classe sont ceux dont les parents, ayant un haut niveau d’études, peuvent expliciter ce qui n’a pas été dit en classe (certaines « bases » que l’on imagine « aller de soi » et être « évidentes »).

Grégoire Borst a également insisté sur l’importance de la métacognition. Pour bien apprendre, les élèves ont besoin de comprendre le fonctionnement de leur cerveau, ce qu’ils sont en train s’assimiler, comment et pourquoi ils le font. Chacun de nos apprentissages transforme visiblement (par imagerie) la configuration de notre cerveau : leur travail a un réel impact. Savoir cela peut avoir des effets très positifs sur les apprentissages.

Nos systèmes éducatifs se focalisent essentiellement sur l’objectif de faire augmenter le QI des apprenants. Or, les études montrent que les compétences les plus prédictives d’un épanouissement futur (réussite scolaire, personnelle, professionnelle) sont les compétences socio-émotionnelles : la maîtrise de ses émotions, la coopération, le travail d’équipe, l’empathie, l’habileté dans les relations interpersonnelles, … Celles-ci, les plus recherchées sur le marché de l'emploi actuellement, ne sont pourtant que très peu développées par nos programmes scolaires.

L’orateur a terminé son exposé en soulignant les enjeux qui se jouent dans la compréhension des mécanismes de la résilience, objectif de l’Observatoire Boris Cyrulnik de Sambreville. Par quels mécanismes certains enfants, certaines familles s’en sortent et s’épanouissent en dépit d’un milieu socio-économique et de circonstances de vie défavorables ? Les facteurs qui pourront être mis en évidence par ces recherches auront le potentiel de faire évoluer nos systèmes éducatifs vers plus d’égalité, d'efficacité et de pertinence.
 

  • Inauguration de l’Observatoire, le 25 octobre 2021